Francois Gény, Mythe et réalités

L'automne 1999 a marqué un anniversaire important, celui du centenaire de la publication en octobre 1899, de Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif, essai critique, premier grand ouvrage rédigé par François Gény.

Méthode d'interprétation a suscité, dès sa publication, beaucoup de débats et de controverses qui ont conduit l'auteur à répondre à ces critiques dans une réédition en 1919. François Gény, juriste français (1861-1959) fut doyen de la Faculté de droit de l'Université de Nancy, de 1919 à 1925. Il a poursuivi sa réflexion à travers différents ouvrages, dont les quatre volumes de Science et technique en droit privé positif- nouvelle contribution à la critique de la méthode juridique entre 1914 et 1924. Il a clos cette oeuvre considérable par une dernière publication, en 1951, Ultima verba, qui est, en quelque sorte, son testament spirituel. L'originalité de l'oeuvre initiale de François Gény a été signalée par un autre grand juriste de l'époque, Raymond Saleilles qui, dans la préface qu'il en a écrite en 1899, affirmait :
« Mais, quelles que puissent être les opinions divergentes à cet égard, le point principal, celui que met en relief une oeuvre aussi capitale et qui désormais devra tout dominer, dans l'orientation de nos disciplines juridiques, c'est que le droit n'est plus une science isolée, qui se suffise à elle-même, et qui puisse se renfermer dans ses textes et ses formules; le droit est une science de faits, une science du dehors, qui, comme toutes les sciences, puise dans la nature des choses, puisque c'est le mot consacré, ses éléments premiers de formation et d'interprétation. »

La lecture des deux tomes de Méthode d'interprétation, nous permet de dégager trois apports importants de la pensée de cet auteur. Le premier et certainement le plus unanimement reconnu, consiste dans la critique des sources traditionnelles du droit. Gény stigmatise le « fétichisme de la loi écrite et codifiée » qui conduit a faire coïncider loi écrite et droit. Le deuxième porte sur la critique de la méthode traditionnelle d'interprétation du droit. Il montre comment s'est élaborée la construction des règles d'interprétation pour établir l'intention du législateur. Il dénonce les abus de la méthode déductive dans l'interprétation de la lettre et de l'esprit de la loi. Le troisième, qui est probablement le plus contesté, indique la voie à suivre pour rechercher la règle de droit lorsque la loi écrite est obscure ou silencieuse. Il préconise « la libre recherche scientifique » qui permet d'aller trouver dans « la nature des choses » la règle de droit à appliquer dans des situations particulières non couvertes par le droit écrit existant.

Une littérature abondante a commenté et critiqué cette oeuvre de Gény, qui vient encore tout récemment de faire l'objet de thèses de doctorat en droit. Devant l'ampleur de la place occupée par cet auteur dans la littérature juridique, il devenait impensable de laisser passer la date du centenaire de la première parution de cet ouvrage sans en signaler l'événement. L'idée d'un colloque était donc lancée.

Au sommaire

• Introduction
• François Gény et les sources du droit
• François Gény et la normativité
• François Gény et la libre recherche scientifique
• Le rayonnement de François Gény
• La modernité de François Gény résiste-t-elle aux enjeux contemporains du droit ? Débat – synthèse
• Conclusion