Travaux dirigés de droits international privé

L'étudiant qui arrive en licence ou en maîtrise risque d'être d'autant plus déconcerté que jusque-là l'enseignement qui lui avait été dispensé avait eu tendance à l'élever dans le cocon du système juridique français et à l'entourer de certitudes positives. De fait, l'un des principaux défauts de l'enseignement du droit en France, quels que soient les efforts déployés par certains, est assurément de donner une vision étroitement française du droit : les exemples étrangers n'y sont souvent évoqués que pour donner au cours une touche d'exotisme ou dessiner une perspective d'évolution souhaitable... du droit français. On comprend l'effroi que ressentent certains étudiants en apprenant que le juge, les avocats, les notaires, eux-mêmes peut être, risquent un jour de devoir prendre en compte un droit étranger, parfois même de l'appliquer.

L'inquiétude redouble lorsque l'enseignant expose les méthodes de solution des conflits de lois et de juridictions, la théorie du renvoi, des qualifications, des questions préalables, etc. D'une part en effet, les raisonnements à suivre, ou plus exactement à construire, sont radicalement nouveaux : il y a une méthode, une façon d'aborder les problèmes et de les résoudre, une forme d'esprit, pourrait-on dire, propres au droit international privé. D'autre part, ces raisonnements font appel à la théorie générale et à la philosophie du droit, autres matières généralement sacrifiées dans les facultés de droit.

Enfin, par ses sources mêmes, le droit international privé surprend. Encore aujourd'hui, il reste largement de sources jurisprudentielle et doctrinale. Droit en perpétuelle construction, avec ses incertitudes, ses zones d'ombre, ses questions en suspens, il ne peut que dérouter ceux qui ont été éduqués dans la religion de la loi écrite.

Pourtant, sans même insister sur l'importance et sur l'utilité pratique de la matière dans un monde qui s'internationalise et où contrats, sociétés, accidents, mariages et procès traversent les frontières, comment ne pas être convaincu de l'intérêt du droit international privé ? Pour qui accepte en effet de se laisser porter par lui, le droit international privé se révèle passionnant, tant il est vrai que ce qui, à première vue, semblait être des défauts sont, en fait, autant de qualités.

Le droit international privé permet tout d'abord de sortir des frontières juridiques françaises pour s'ouvrir sur le monde. Au hasard des espèces, il amène à faire connaissance avec d'autres systèmes juridiques, avec d'autres conceptions du droit, avec d'autres logiques, avec d'autres cultures. En plaçant les différents systèmes juridiques sur un pied d'égalité, le droit international privé fait du juriste français un juriste du monde.

Par ailleurs, s'il est vrai que les raisonnements propres au droit international privé sont parfois ardus (et de mauvais esprits ne manqueront pas d'accuser les spécialistes de la matière de se complaire dans les constructions théoriques les plus alambiquées), la résolution d'un problème de droit international privé n'en est pas moins une école de rigueur : on y apprend à construire un raisonnement, pas à pas, pièce par pièce, de la qualification initiale à la solution concrète.

Quant aux incertitudes de la matière, elles permettent de prendre conscience de la relativité sinon du droit, du moins des réponses juridiques données à une même question.

Enfin, parce que toute matière de droit privé a une dimension internationale, le droit international privé permet de " réviser " l'ensemble du droit positif français, de la famille aux sociétés commerciales, en passant par la procédure civile et les sûretés.

L'objectif de cet ouvrage de travaux dirigés de droit international privé n'est ni d'offrir des exercices de " bachotage ", ni de compléter le cours par l'apport de nouvelles connaissances. Pour l'équipe d'enseignants qui l'a conçu, il s'agissait avant tout de permettre aux étudiants qui suivent des travaux dirigés de droit international privé, et peut-être surtout à ceux qui n'en suivent pas, de mieux comprendre la matière.

Or pour comprendre les problèmes de droit international privé, ses modes de raisonnement, ses méthodes de solution, rien ne vaut d'être directement confronté à une situation concrète. Le cours présente les données théoriques, assorties de quelques exemples ; les travaux dirigés permettent de les mettre en oeuvre, non plus de les apprendre, mais de les penser.

L'objectif poursuivi explique la méthode adoptée. L'accent a été mis dans les premières séances sur des cas pratiques. Y est surtout proposée une méthode de raisonnement, qui pourra paraître scolaire, mais dont le respect devrait éviter à l'apprenti internationaliste d'oublier une étape... et de se perdre. Le recours au cas pratique permet aussi de donner au droit international privé sa dimension d'exercice de logique... voire de jeu, mêlant rigueur et imagination. Par la suite, il a paru utile de multiplier les types d'exercice afin que l'étudiant gravisse en quelque sorte les sommets de la matière par d'autres voies : commentaires d'arrêts, dissertation, note de synthèse. Et pour éviter qu'à peine libéré, l'étudiant ne soit à nouveau enfermé dans une vision franco-française du droit, appliquant le seul droit international privé français et finissant par utiliser ses règles... dans le but inavoué de donner compétence au juge et au droit français, les exercices proposés mettent sur un strict pied d'égalité les différents systèmes juridiques avec leurs règles matérielles et leurs règles de conflit. Le lecteur est donc invité à se placer indifféremment dans un système ou dans un autre. De même, afin que l'internationaliste en devenir ne prenne pas de mauvaises habitudes au début de son apprentissage en recherchant la loi applicable sans avoir vérifié par rapport à quel système juridique il devait raisonner, sont abordées de front les questions de conflits de lois et de conflits de juridictions. Sont donc exposées dès les premières séances les règles de base des conflits de juridictions, leur étude plus précise étant entreprise ultérieurement. Les auteurs sont conscients que cette méthode est source de difficultés supplémentaires. Mais elle évite de donner dès le départ de mauvais réflexes, et, à l'expérience, semble faciliter la compréhension des problèmes et des modes de raisonnement du droit international privé.

Les exercices proposés sont accompagnés des règles nécessaires pour les résoudre. À la fin du volume sont rassemblées les principales conventions internationales à mettre en oeuvre.

L'ouvrage ayant également pour objectif de situer les problèmes de droit dans leur dimension théorique, la lecture de quelques bonnes pages de doctrine ou de quelques arrêts de principe est proposée à la fin de chaque séance.

Au-delà de l'apprentissage des grandeurs et des difficultés de la matière, l'équipe d'enseignants qui a conçu cet ouvrage avait surtout un but : faire aimer le droit international privé. Puissions-nous avoir au moins réussi ce pari !

Sommaire

• Principales abréviations
• Bibliographie
• Avant-propos
• Séance n°1 Principes et méthodes du droits international privé
• Séance n° 2 Principes et méthodes du droit international privé
• Séance n°3 L'interprétation de la règle de conflit
• Séance n° 4 Cas pratiques de synthèse
• Séance n°5 L'office du juge
• Séance n°6 L'application de la loi étrangère : la preuve et l'interprétation de la loi étrangère
• Séance n°7 L'application de la loi étrangère : l'ordre plublic français en matière internationale
• Séance n°8 La fraude
• Séance n°9 La compétence internationale des juridictions française s
• Séance n°10 Les effets en France des décisions étrangères
• Séance n°11 Le règlement des conflits de compétence internationale
• Séance n°12 Cas pratique de synthèse
• Séance n°13 La nationalité française
• Séance n°14 Le régime général de l'entrée et du séjour des étrangères en France
• Séance n°15 Le regroupement familial
• Annexes
• Glossaire