Rodin et la couleur

C'est à la fin des années 1890 que Rodin entama une véritable carrière de dessinateur. Aspect méconnu de son oeuvre, le Rodin coloriste nous présente des dessins d'une grande originalité et d'une grande liberté. L'autonomie du dessin par rapport à la sculpture est une donnée essentielle de son oeuvre. Les innombrables dessins au crayon, rehaussés ou non de lavis ou d'aquarelle qu'il réalisa à l'automne de sa vie ne sont pas des projets pour des sculptures mais une oeuvre à part entière, où la couleur prend de plus en plus d'importance. "Les dessins des dix dernières années ne sont pas ce pour quoi d'aucuns voudraient les faire passer, des notes rapides, des travaux préparatoires provisoires ; ils contiennent le résultat le plus définitif d'une longue expérience ininterrompue." (Rilke) A partir des années 1896-1898, les dessins instantanés sont réalisés sans briser un seul instant le contact visuel avec son modèle. Ces dessins fondés sur des moyens d'une grande simplicité eurent une influence sur les artistes fauves. Il suffit de regarder les dessins de Matisse, Derain, Marquet et Camoin pour noter combien tous ces artistes ont regardé l'oeuvre dessinée de Rodin (nombreuses expositions des dessins à partir de 1900 et notamment en 1907 où plus de 300 dessins furent présentés à la galerie Bernheim-Jeune.). Après 1906, l'intérêt des fauves se déplace de la couleur à la forme et de la forme à la ligne. Stimulés par un désir de ligne, ils recherchent ce quelque chose de plus que la couleur dans lequel ils vont trouver matière à renouveau. Il semble alors que l'oeuvre dessiné de Rodin joua un rôle, surtout dans ses dessins d'avant 1900. Les aquarelles de Rodin présentées à l'exposition du musée de l'Annonciade, ont été choisies pour montrer le rôle accordé à la couleur. Elles sont reproduites intégralement dans cet ouvrage. Réintroduite par touches, elle finit par envahir la feuille faisant parfois disparaître le trait d'origine et tend à transformer le dessin en peinture. Le Musée de l'Annonciade, temple de la couleur se devait de présenter l'oeuvre aquarellée de Rodin. Le livre replace ce corpus artistique dans la carrière de l'artiste et montre les liens avec les peintres fauves.