L'éternaute 1969

En 1969, l'hebdomadaire Gente (sorte de Paris-Match argentin) commande à Héctor Oesterheld une nouvelle version de L'Eternaute, bande dessinée qu'il avait réalisée dans les années 1950 avec Francisco Solano López et qui avait connu un immense succès lors de sa publication. Oesterheld confie son scénario à Alberto Breccia : un moment pressenti pour dessiner la première version, Breccia est en ce moment un auteur très populaire grâce au succès de Mort Cinder.
L'Argentine de 1969 est traversée par un fort mouvement social qui ébranle la dictature du général Ongania et Oesterheld modifie le scénario original : le récit de science-fiction prend des couleurs politiques, célèbre la puissance collective qui anime la résistance à l'envahisseur et dénonce l'impérialisme étasunien. La bande dessinée devient l'écho des événements du moment.

La publication de L'Eternaute commence en mai 1969 et doit se poursuivre pendant une année, à raison de trois pages par semaine. Mais, après quelques semaines, Gente publie des courriers de « lecteurs » qui critiquent le style avant-gardiste de Breccia, son dessin « confus ». Ces lettres fournissent un excellent prétexte à la direction du magazine pour suspendre la publication de L'Eternaute. Les auteurs s'insurgent et obtiennent de terminer la publication en résumant plus de la moitié du projet original en quelques chapitres.
L'Eternaute marque une étape cruciale dans la carrière d'Alberto Breccia ; il explore, pousse encore plus loin les innovations déjà présentes dans Mort Cinder et enveloppe le récit d'Oesterheld dans une atmosphère effrayante. L'action se déroule désormais dans un Buenos Aires transfiguré, sous un ciel noir, épais, écrasant. La rupture avec la première version est totale.

Dans le cadre de cette nouvelle édition, nous avons réalisé de nouveaux scans des planches originales, restaurés ensuite avec patience. Choisissant de les imprimer en grand format et en quadrichromie nous voulons rendre compte de la diversité des techniques employées par Breccia, telles qu'elles apparaissent en regardant ses originaux.