L'émissaire

LE LIVRE



Attaché militaire à l'ambassade de France au Chili en 1973, au moment du renversement du président Allende, présent au Mozambique quelques années plus tard durant la guerre civile qui ensanglante le pays, nommé au Consulat de France en Argentine à la veille du déclenchement de la guerre des Malouines, puis au Salvador à l'époque des Escadrons de la mort, Noël Saez s'est plus d'une fois retrouvé confronté au spectacle de la souffrance au cours de sa carrière. " J'ai souvent choisi des pays où les choses n'allaient pas d'elles-mêmes, où le calme, la sérénité, la liberté étaient à conquérir ", déclare ce fils de pieds-noirs, contraint avec sa famille de fuir le Maroc de sa jeunesse, à l'heure de la décolonisation.

La vocation d'aider les populations en détresse, au cœur du parcours de Noël Saez, va bientôt trouver un nouveau terrain d'expression, avec une résonance très particulière. Alors qu'il vient d'entrer en poste au Consulat de France à Bogotá, Saez fait la connaissance d'Ingrid Bétancourt. Nous sommes en novembre 2001. Trois mois plus tard, le 23 février 2002, celle qui ne va pas tarder à devenir la plus célèbre otage du monde est enlevée. C'est le début, pour Saez, de sa plus longue et délicate mission. Bientôt officiellement nommé émissaire du gouvernement français, il va s'employer, jour après jour et pendant plusieurs années, à faciliter la médiation entre les parties en conflit en vue d'aboutir à la libération non seulement d'Ingrid mais de tous les otages politiques en Colombie.

En contact constant avec les FARC via Raúl Reyes, le numéro deux de l'organisation, Noël Saez est l'un des mieux placés pour évoquer la guérilla colombienne. S'il en rappelle l'histoire, l'idéologie et l'organisation, il en décrit surtout le quotidien – ou comment survivre au cœur d'une jungle hostile. À travers le récit de ses missions, l'émissaire relate l'existence de ces hommes et femmes, geôliers ou captifs, en permanence sur le qui-vive, soumis aux bombardements de l'armée régulière colombienne et à l'affût des embuscades. Les missions qu'il mène – plus de vingt-cinq au total, durant la captivité d'Ingrid Bétancourt –, Noël Saez nous les fait vivre de l'intérieur : les traversées de la jungle par tous les moyens possibles, à pied, en 4 x 4, en pirogue ou à dos de mule, le danger qui rôde en permanence, les difficultés à nouer le contact avec les ravisseurs et les nuits passées à attendre dans des hôtels perdus que ceux-ci veuillent bien se manifester...

Sur le plan diplomatique, le témoignage de l'émissaire du gouvernement est également très éclairant. Refusant de manier la langue de bois, il ne cache rien de ses relations parfois orageuses avec Raúl Reyes ou de ses rapports compliqués avec le président colombien Álvaro Uribe, partisan de la manière forte pour faire libérer les otages, quand la France tente de privilégier la voie de la médiation. Il s'explique aussi sur l'échec des négociations, début 2008, alors que le dossier semble tout prêt d'aboutir et revient sur les circonstances de la libération d'Ingrid Bétancourt. Fin connaisseur des FARC, Saez refuse de croire que la guérilla ait pu se laisser abuser de la sorte. " Pour bien les connaître et avoir paLEssé du temps avec eux, je sais qu'il est extrêmement difficile de les infiltrer tant leur méfiance est grande ", assure-t-il.