D'or et d'exil - roman - nathalie brodin-beker - préface jean-paul costa

Roman sous la forme d'un journal intime avec notes du traducteur- histoire d'un migrant russe qui raconte le 20ème siècle
Extraits :
"... C'est bien d'être né en 1899 car je vivrai deux siècles. Enfin je veux dire que je suis né au XIXème siècle et que je vis aussi au XXème siècle.
J'ai décidé d'écrire mon journal car cela faisait longtemps que j'avais envie d'en commencer un. Tous les grands hommes en avaient et j'espère que je pourrai y écrire l'histoire de ma vie.
Je commence cette année où j'ai treize ans car j'ai atteint la majorité aux yeux de Dieu. Je ne suis plus un enfant, j'ai fait ma bar-mitsva la semaine dernière et je suis désormais responsable de mes actes. Voilà pourquoi je veux consigner par écrit et à partir d'aujourd'hui tous mes actes d'homme responsable.
..."

"... A la maison, mon père aurait voulu que la Révolution s'arrête à la prise du pouvoir par la bourgeoisie. Il militait ardemment pour la mise en place d'une société libérale et une monarchie constitutionnelle à l'anglaise, il organisait des réunions avec ses collègues professeurs et les notables de notre quartier. Tout ce petit monde concevait des projets de société jusqu'à une heure avancée de la nuit. Ils avaient fondé un journal consacré au nouveau monde qu'il fallait créer.
Comme si un monde, ça pouvait se créer.
..."

"...Note du traducteur
...
Après avoir visité toutes les boîtes à la mode de Montparnasse au quartier Saint-Germain j'ai retrouvé la trace du fameux danseur qu'était David Yenkl. C'était au Gai Laboureur, carrefour Vavin. Le patron a changé mais la succession des actes notariés me conduisit jusqu'à Marcel Boissière, homme d'un certain âge qui vit aujourd'hui de ses rentes. Il a refusé d'être interrogé mais m'orienta vers une de ses amies, ancienne cliente du Gai Laboureur et danseuse expérimentée de Charleston.
..."

"...On ne s'est pas dit grand-chose. Ils attendaient beaucoup. Ils n'ont rien demandé pourtant.
J'étais complètement vide en face d'eux. Et maintenant qu'ils sont partis, c'est pire. Le néant total qui me coupe les bras, une tristesse infinie qui s'éveille et bouscule la carapace d'anesthésique que je m'étais tissée si difficilement. De nouveau submergé par la douleur, je souffre et je ne peux rien faire pour calmer ce mal qui a planté ses crocs une fois encore dans mon corps meurtri. Une nouvelle plaie dans les plaies. Je suis haché de douleur et de souffrance. Tout recommence, toujours plus fort et je voudrais mourir pour arrêter ça. Je ne m'y attendais pas. Ana m'emprisonne dans cette vie. Le bonheur n'existe plus, parti à jamais, mort et desséché depuis des lustres.
..."