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Dans la ville des chasseurs solitaires
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Librairie Eyrolles - Paris 5e
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Dans la ville des chasseurs solitaires

Dans la ville des chasseurs solitaires

Tom Spanbauer - Collection Pavillons

569 pages, parution le 23/10/2003

Résumé

Les rencontres et les amours de Will, un petit gars de la campagne monté à New York, dans les quartiers "underground" de la ville.

New York, 1983. Jeune, timide et bègue, William Parker débarque dans le Lower East Side pour retrouver Charlie2Lunes, un Indien, son amour de jeunesse qu'il a pourtant trahi. Bourrelé de remords après cette trahison liée au suicide de sa sœur - avec laquelle il entretenait une relation incestueuse -, il veut expier sa faute dans cette ville qui d'abord le terrifie. L'initiation de Will à Manhattan - appelé le Marais aux Loups quand le soir jette son ombre sur toutes les horreurs qui s'y passent - est un cri d'agonie et d'amour. Amour parce qu'à New York Will se lie avec des êtres tolérants qui lui prodiguent leur amitié. Amour parce qu'il rencontre Rose, une drag queen frisant les deux mètres, star dans son genre, avec laquelle il entretient un relation torride. Agonie car les années Reagan humilient les plus faibles et jettent sur le pavé ceux qui ne peuvent se défendre. Agonie car le sida étend progressivement ses tentacules et les amis de Will succombent les uns après les autres...Épopée construite de manière non linéaire, "Dans la ville des chasseurs solitaires" est un roman d'une extraordinaire richesse, une symphonie bouleversante par sa sincérité, fascinante par sa cruauté.

Sommaire

Ce soir-là au Fish Bar. À cette même table ronde située dans un angle près de la vitrine avec la bougie dans le photophore rouge. Quand nous échangions un regard autour de cette table, nous ne savions pas, aucun de nous ne savait à quel point nous étions perdus, à quel point le monde avait changé pour nous.Assis plus près les uns des autres que d'habitude, nous nous tenions par la main. Le plus souvent, assis là, nous nous touchions, même Rose, mais ce dernier soir, chacun tenait la main de ses deux voisins pour former un cercle continu autour de la table ronde. La paume de ma main droite contre la paume Désert du Sahara de Rose, la paume de ma main gauche contre le sable blanc de la paume lisse de Fiona, mes genoux contre ceux de Vrai-Coup.Vrai-Coup, Rose, Fiona et moi, Ruby, Harry et Fred en esprit, main dans la main.Nous parlions simplement, nous jouions à parler, et puis sans raison nous avons parlé de l'instant décisif.L'instant après lequel on est différent.Jackson Holeewood, Wyoming, dis-je, 13 mai 1983.Moi, même moi et mon inséparable Heineken, mon col roulé noir avec fermeture éclair au cou, mon pantalon noir en jersey élastiss, mes bottes de combat noires et brillantes ultra-chic, ma casquette de base-ball noire à la visière retournée sur la nuque – toutes ces merdes noires branchées dissimulant mes racines de petit Blanc vêtu de flanelle et buvant de la Coors.De toutes les histoires que j'aurais pu raconter ce soir-là, parmi tous ces instants, j'ai choisi celui du chien Crummy.Je servais au Café Libre et j'habitais une chambre au-dessus de la boutique Big O Tire.Le Café Libre était le seul endroit en ville où l'on servait des vins corrects et du vrai café.C'était dimanche. Mon jour de congé. J'étais assis devant un café à la terrasse du Café Libre et je bossais mon français avec le "Cours de Première Année" de la Maison de Français.Maison de Français: la preuve que je n'étais pas un plouc local.Ça n'a pas été une voiture, mais un pick-up, un Silverado bleu, avec un fusil dans le râtelier de la lunette arrière, un 4x4, et le type ne s'est pas arrêté.Dimanche matin.Pauvre petit chien.Il s'appelait Crummy, un mélange de terriers. Un petit bâtard arrogant. Crummy est sorti ventre à terre, ce crétin de chien fou jouant les kamikazes sous la grosse roue. Il y a eu un bruit, reconnaissable entre tous, et mon corps a fait tous les gestes décrits par les gens quand ils sentent qu'une merde vient d'arriver. Et j'ai regardé. Crummy est passé sous la roue avant, puis sous la roue arrière. Dimanche matin, devant le Café Libre, après mon café, au grand soleil, "Première Année".Le plus dur, c'était que Crummy courait vers moi, ses pattes arrière traînant derrière lui, Crummy revenait vers moi en traînant derrière lui ses pattes arrière.Instants gelés dans le temps. Si nous pouvions les dégeler.Je me suis agenouillé sur le trottoir, j'ai posé par terre mon "Cours de Première Année", et ce petit chien doré, tellement simple, réel et plein de vie, le seul être qui m'aimait, a levé les yeux vers moi avec toute la compréhension, le désespoir et l'ahurissement qui accompagnent la conscience qu'on a d'être vivant.Je disais toujours que Crummy n'était pas vraiment un chien, mais un être magique capable de tout faire sauf de parler, et alors, à ce moment précis, Crummy a parlé. Il m'a dit: C'est la Mort, Will, au revoir. Alors les yeux de Crummy se sont révulsés, il a posé la tête sur la page ouverte du "Cours de Première Année", puis un flot de sang a jailli de sa gueule et de son museau, du sang sur le français, et Crummy ne m'a plus jamais regardé.Quand j'ai demandé à Rose son instant décisif, je m'attendais à ce qu'il raconte une de ses histoires avec Elizabeth Taylor ou l'une de ses anecdotes glamour – ses dîners avec Sir Laurence Olivier et Danny Kaye, ses cocktails avec Cary Grant et Randolph Scott au bord de la piscine, ou Carmen Miranda dansant avec Cesar Romero après avoir retiré ses sous-vêtements. L'une ou l'autre de ces histoires. Mais non.Rose avec son regard Saint-François-est-un-pédé, ses boucles d'oreilles de Marrakech, son pantalon corsaire flambant neuf et son bustier en lamé argent que Mme Alvarez, la couturière personnelle de Rose, venait de terminer. Son crâne oint et brillant sentait le romarin et l'eucalyptus, sa peau noire noire, les anneaux dorés suspendus à son oreille pédé, ses bijoux scintillants scintillants.Splendeur hautaine baisée de frais.Rose a éteint la cigarette que j'avais roulée pour lui et il a allumé une Gauloise, croisé les jambes, secoué la tête si bien que ses boucles d'oreille ont reflété les lumières vertes et ambrées, levé les bras comme un chef d'orchestre symphonique, bracelets clac-clac.L'instant après lequel tu es différent.Rose a haussé les épaules, baissé le menton et vrillé son regard noir dans le mien.Houston 1955, dit Rose.C'était difficile de regarder Rose quand il ouvrait les yeux si grand. Rose ne montrait presque jamais au monde ses yeux ainsi ouverts – un chasseur solitaire n'était pas censé le faire – mais ce soir-là il l'a fait. Rose a ouvert les yeux et m'a dévoilé l'immensité de son feu intérieur dont je m'approchais trop. Roosevelt Washington King.J'avais onze ans, dit Rose. Un samedi soir, dit Rose. Et comme presque tous les samedis soir, mon père nous faisait monter en voiture et il roulait au pas à travers le quartier vers le glacier Wooten's. Mes deux frères et moi, Calvin et L'Irah, plus mes deux sœurs, Magnolia et Elnora. Nous étions installés tous les cinq, paisibles et silencieux, moi l'aîné près de la vitre, du côté de papa. Les jambes de mes frères et sœurs, huit bâtons alignés sur le siège devant nous, assis sur la vieille couverture rouge que maman installait sur la banquette pour le samedi soir, parce que des gosses, des glaces et la canicule texane, tout ça réuni au même endroit, était à coup sûr synonyme de problèmes.La glace le début du sacré, dit Rose, la glace et la virée dans la Buick le samedi soir c'était toujours l'introduction au dimanche, dimanche, l'église, les habits du dimanche, les chants et les prêches toute la journée à l'église Saint-Jean-Baptiste de Dowling, pas loin du carrefour de Dowling et de Magown, de la station de taxis et du bar Golden Arrow où l'oncle Elasha King – mon père était le frère jumeau d'Elasha King – conduisait son taxi pour boire et traîner avec des femmes de peu. C'était ma mère, Montserrat, qui les qualifiait de femmes de peu.La Buick étincelante était lavée et cirée à la Turtle Wax par les grosses mains de mon père. Tous les samedis matin, je restais assis sur le trottoir pour regarder ces mains astiquer la jante blanche des pneus à l'Old Dutch Cleanser. Et tous les samedis soir, les jantes blanches et les enjoliveurs chromés de la Buick roulaient dans les rues résidentielles, Elijah et Montserrat saluaient les voisins, Elijah klaxonnait parfois pour attirer l'attention des gens assis à s'éventer sur la véranda de leurs petites baraques en bois faites de bric et de broc, des éclairs de chaleur embrasaient le ciel pourpre, les lampadaires sur leurs frêles poteaux attiraient un fouillis de moustiques, de papillons et d'insectes volants. Dans les jardins, les enfants aux pieds nus pourchassaient les lucioles. Ces lucioles, la lueur intermittente d'une télévision, les éclairs, la lumière des lampadaires, les phares de la Buick – les illuminations solitaires de la soirée.Le glacier Wooten's, sa vitrine brillante sur Dowling.Les grosses mains de mon père, dix cents à chacun de nous, ses enfants, posés sur notre paume. J'entraînais Calvin, L'Irah, Elnora et Magnolia vers les lumières du magasin et chacun s'installait au comptoir sur les hauts tabourets rouges pivotants. Chacun serrait sa pièce, les coudes posés sur le comptoir, des menus plastifiés à côté des distributeurs de serviettes en papier, une serviette chacun.Dans la voiture qui roulait sur Dowling, nous léchions le chocolat, l'ananas, la fraise – personne ne prenait jamais vanille; je choisissais toujours chocolat – mon père, Elijah King, conduisait sa Buick Special vers la maison et dimanche.Le gyrophare rouge nous a fait signe de nous arrêter, une autre illumination de la soirée.Mon père s'est garé contre le trottoir pile en face du bar Golden Arrow, devant l'enseigne au néon de la bière Lone Star. Mon père a d'abord regardé maman, qui lui a rendu son regard. Puis mon père a ouvert la portière et il a hissé son poids hors de la Buick en disant: Quel est le problème, monsieur d'agent ? Est-ce que je roulais trop vite?Deux flics blancs, l'un a poussé mon père contre la Buick pour le fouiller, en traitant mon père, Elijah King, de nègre, encore et encore : nègre-nègre-nègre. Je regardais par la vitre arrière, ouverte, de la Buick Special '49, je regardais le visage de mon père, ses yeux rivés aux miens.Relève la vitre, fils, dit mon père.J'ai donc remonté la vitre lentement, les yeux toujours rivés à ceux de mon père.Il y avait le béton fendu du trottoir, l'enseigne de la bière Lone Star, oncle Elasha dans son taxi noir et blanc, la portière du taxi ouverte, Elasha qui fumait, les jambes écartées, les femmes de peu qui restaient là à regarder.Onze ans, dit Rose. Roosevelt Washington King, dit Rose. J'ai remonté la vitre jusqu'en haut, jusqu'à la fente garnie de feutre, le visage de mon père collé contre la vitre. Un flic a sorti son arme et a frappé Elijah King sur le crâne, alors mon papa est tombé et les flics l'ont roué de coups de pied.Pas un bruit, seulement les coups sur mon père, le nègre-nègre-nègre des flics et le souffle de plus en plus ténu de mon père.Dans la voiture, pas un son de la part de maman, pas un mot, seulement l'horrible murmure, l'exhortation adressée à nous ses enfants sur la banquette arrière de la Buick Special '49, de nous taire, mangez votre glace, ne regardez surtout pas, gardez les yeux baissés, quoi qu'il arrive ne mouftez pas.Je n'ai pas dit le moindre mot, dit Rose. Mais je n'ai pas regardé par terre. J'ai regardé par la fenêtre, j'ai regardé mon père, Elijah King, j'ai regardé le visage d'Elijah King pendant que les flics lui brisaient les côtes et lui cassaient le nez.Et puis il y a eu le sang sur les jantes blanches, dit Rose, le sang de mon père sur les jantes immaculées et sur les enjoliveurs chromés de la Buick. Les taches de sang sur les jantes qui n'ont jamais disparu tout à fait quand nous sommes rentrés à la maison. Le sang sur ces jantes, voilà pour moi l'instant décisif, dit Rose. L'instant après lequel la vie et le fait d'être en vie ont été différents.


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Caractéristiques techniques

  PAPIER
Éditeur(s) Robert Laffont
Auteur(s) Tom Spanbauer
Collection Pavillons
Parution 23/10/2003
Nb. de pages 569
Format 15.5 x 24.2
Couverture Broché
Poids 700g
EAN13 9782221095621

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