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De l'esprit chez les abrutis
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Librairie Eyrolles - Paris 5e
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De l'esprit chez les abrutis

De l'esprit chez les abrutis

Aleksandar Hemon - Collection Pavillons

270 pages, parution le 05/10/2000

Résumé

La révélation d'un jeune auteur dont la prose élégante rappelle celle de Vladimir Nabokov

Entre rire et humour noir, entre autobiographie et fiction, puissamment construites, les huit histoires que nous raconte Aleksandar Hemon portent sur deux thèmes : à Sarajevo, la guerre ; à Chicago, les situations tragicomiques auxquelles est confronté un immigrant bosniaque fraîchement débarqué aux États-Unis. Élaborés en entonnoir, les récits commencent à Sarajevo au début du XXe siècle : l'archiduc François-Ferdinand, peu avant d'être assassiné, croise le regard d'un accordéoniste souriant au milieu de la foule. Cet accordéoniste, affirmera plus tard la légende familiale, est l'arrière-grand-père d'Hemon. Ils se poursuivent sous la Yougoslavie de Tito, dans une nouvelle à deux tonalités : Aleksandar Hemon enfant soupçonne son père d'être un espion soviétique, parce que celui-ci est obligé de voyager pour son travail et rapporte à la maison d'étranges objets (des poupées russes, par exemple). Parallèlement, l'écrivain retrace la vie de Sorge, l'espion allemand qui informa Staline (en vain) de l'imminence d'une attaque nazie...Peu à peu, ce patchwork narratif déploie le dessin qui le forme : l'histoire de la Yougoslavie au XXe siècle, intimement liée à celle des différentes communautés qui la composent et des hommes qui y vivent. Privilégiant la satire, Hemon développe ces thèmes avec une vivacité, une fraîcheur et une originalité qui en font l'un des écrivains les plus doués de sa génération, comparé à Nabokov, mais aussi à Kundera et à Kafka.

Sommaire

Pour ZrinkaSupposons qu'il existe un point A et un point B et que, si l'on veut se rendre du point A au point B, on doive traverser un espace à découvert, nettement visible pour un sniper habile. Il faut courir du point A au point B, et plus vite on court, plus on aura de chance d'atteindre le point B vivant. L'espace compris entre le point A et le point B est jonché d'objets que des citoyens ont laissés tomber en chemin en piquant un sprint. Un portefeuille en cuir noir, probablement vide. Un sac à main, comme une bouche béante. Un récipient en plastique blanc, percé en plein centre d'un trou de projectile. Un châle vert, rouge, marron ornementé de flocons de neige, et sale. Une tranche de pain mouillée, avec des fourmis affairées rampant dessus en tous sens, comme occupées à construire une pyramide. Une cassette vidéo démantibulée, avec plusieurs morceaux encore rattachés à une bande magnétique noire entortillée. Les jours où les snipers sont particulièrement enragés, il y a aussi des corps, disséminés là. Il se peut que certains d'entre eux soient encore en vie, parcourus de soubresauts, rampant dans la direction de ce point là-bas, à couvert, et laissant une traînée sanglante derrière eux, comme des escargots. Il est rare que les gens tentent de leur venir en aide, car tout le monde sait que c'est ça, justement, qu'attendent les snipers. Parfois, c'est un sniper pris de pitié qui achève la personne en train de ramper. Quelquefois, le sniper joue avec le corps, lui tire dans les genoux, les pieds ou les coudes. On dirait que la distance qu'il ou elle parviendrait à couvrir avant de s'être vidé de son sang a fait entre eux l'objet d'un pari.Sarajevo est une ville sans chats. S'il en est ainsi, c'est parce que les gens n'avaient pas de quoi les nourrir, ou parce qu'ils ne pouvaient pas les emmener avec eux dans leur fuite, ou encore parce que leurs propriétaires s'étaient fait tuer. Du coup, les chiens qu'on ne pouvait pas nourrir ou emmener se sont mis à les chasser et à les dévorer. Souvent, on peut voir, dans les rues parmi les décombres, sous des voitures incendiées, ou coincés dans des égouts, des carcasses de chats avec un rictus de mort, les canines de la mâchoire supérieure comme des dagues miniatures. Parfois, on peut voir deux chiens ou plus se disputer un chat, déchiquetant à belles dents une tranche hurlante de fourrure et de chair.Les lettres d'Aida sont rares, elles surviennent à l'improviste, en échappant au siège de la ville grâce aux convois de l'ONU, aux correspondants étrangers et aux transports de réfugiés. Je les imagine dans un sac, à l'arrière d'un camion de l'ONU, conduit par un soldat pakistanais ou ukrainien qui n'a conscience de rien, en dehors de la route boueuse devant lui et du regard des voyous barbus au bord de la chaussée, l'index posé bien en évidence tout près de la détente ; ou alors je me figure une lettre dans un sac de correspondant de presse jeté avec insouciance en travers d'une épaule tatouée, partageant le fond du sac avec un walkman, des carnets de notes, des préservatifs, du pain, des miettes de haschich, et puis un portefeuille bourré de photos de famille. J'imagine des lettres dans un bureau de poste de Zagreb ou de Split, d'Amsterdam ou de Londres, au milieu d'une pile de missives envoyées à des gens dont je ne sais rien par les gens qui leur portent leur affection. Parfois, il s'écoule de sombres mois avant que ses lettres ne me parviennent et que j'ouvre ma boîte –; un long tunnel en cul-de-sac avec un fond carré obscur –; et que je trouve la lettre d'Aida. Je frissonne de terreur. Ce qui me terrifie, tandis que je déchire l'enveloppe fatiguée, c'est qu'elle puisse être morte. Il est possible qu'elle ait disparu, qu'elle se soit déjà changée en fantôme, un non-être –; pour ainsi dire un personnage de fiction –; et que je sois en train de lire sa missive, comme si elle était vivante, sa voix résonnant dans ma cervelle, des visions d'elle se projetant devant mes yeux, sa main formant des lettres incurvées. J'ai peur de communiquer avec une créature qui n'appartiendrait plus qu'à ma mémoire, avec une personne morte. Je redoute que la vie soit toujours plus lente que la mort et d'avoir été choisi contre ma volonté, et malgré ma faiblesse, pour être témoin de leur antinomie.


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Caractéristiques techniques

  PAPIER
Éditeur(s) Robert Laffont
Auteur(s) Aleksandar Hemon
Collection Pavillons
Parution 05/10/2000
Nb. de pages 270
Format 13.5 x 21.5
Couverture Broché
Poids 325g
EAN13 9782221091487

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