Résumé
Les fées, la Rose, le Graal, les saints, les chevaliers : pour beaucoup, le Moyen Age, c'est l'étrange, l'obscur, le dépaysement. Lire un texte médiéval, c'est s'immerger dans une autre façon de penser, de raisonner, d'imaginer, dans un autre rapport de la pensée au réel, dans des fantasmes qui naissent de combinaisons insolites ; c'est se perdre dans des schémas qui renvoient
souvent à d'autres profondeurs que les nôtres. Mais l'écriture médiévale ne se distingue pas seulement par sa façon spécifique de penser le monde et de le recréer par l'imaginaire. Elle possède ses moyens propres pour le dire, et les moyens linguistiques eux-mêmes, dans leur évolution, portent témoignage de modes de pensée inséparables de leur « historicité ». Le Moyen Age, enfin, est une époque qui, plus encore que penser, aime re-penser.
Repenser et réécrire, reprendre indéfiniment les mêmes matières pour exprimer le retour incessant de ses interrogations jamais résolues, fonder la nouveauté sur la tradition, pour voir plus loin et plus distinctement, comme « des nains sur des épaules de géants ». Comment cette littérature engendre-t-elle ses fonctionnements propres ?
De quels modes de pensée est-elle inséparable ? Comment les œuvres, mais aussi le fait littéraire, se construisent-ils à l'intérieur d'une civilisation donnée ? Comment la réflexivité de la littérature s'articule-t-elle avec les modes de pensée qui régissent alors l'interprétation du monde ? Tout cela forme un ensemble, et c'est bien à l'élucidation des problèmes que posent la genèse et les transformations d'une écriture au sein d'un champ culturel que le présent ouvrage cherche à apporter sa contribution.