Résumé
" Je ne suis plus punk depuis bien longtemps, lassée d'affronter les regards, j'ai admis que les cheveux longs me vont mieux que le pétard vert. Je ne me bats plus contre les fachos, ils sont de plus en plus nombreux, je n'ai pas assez de bras. Je ne fais même plus les manifs, j'ai la flemme (à peine une grève de temps en temps, et, en toute honnêteté, c'est plutôt parce que tout est bon pour ne pas aller bosser). Je ne défends plus les squats, j'ai cédé aux sirènes du confort. Je ne monte plus sur scène pour cracher ma rage, je n'héberge même plus de sans-papiers, si ce n'était pour le sexe, si ça se trouve je ne fréquenterais plus que des Blancs (non, j'exagère). Enfin j'ai abandonné les biographies de taulards au profit de celles de princesses de Park Avenue, c'est la fin d'une époque. "
Peut-on devenir mère courage et maîtresse d'école respectable sans s'asseoir pour autant sur ses rêves d'adolescente rebelle ? Voici l'histoire mordante d'une punkette qui s'est assagie, mais a encore la tête pleine de colère et d'utopie, d'une jeune femme toujours ramenée à la marge et qui revendique son humour comme carte de séjour. Vif comme un riff de guitare, un livre-miroir pour la génération anarcho-punk.
Sommaire
" Je me fous d'être jolie... fait chier d'être une fille. " (Bams)
C'est marrant comme ça leur fait pousser les couilles aux lascars d'être en bande.
Ils ont à peine de poils au menton, mais dès qu'ils sont plusieurs et qu'ils ont bu deux bières, ils se sentent assez mâles pour taquiner les passantes qui baissent immanquablement les yeux, à peine pubères ils arrivent à faire peur ces cons-là...
J'ai dû traverser la ville de nuit pour rentrer et je me faisais cette remarque, rien n'a changé, toujours apprendre à vivre avec la peur, même à mon âge, je ne suis pourtant plus une gamine, même dans ma ville, et je ne vis pas dans le Bronx.
" J'voudrais traîner les rues la nuit sans avoir à raser les murs, pouvoir sourire aux inconnus sans avoir l'air de chercher les coups " : on a écrit ça il y a dix-sept ans avec l'actuelle Despentes, ça n'a pas pris une ride, "
cause dark town is not a lonely girl'place
", toujours.
Je viens de recevoir le dernier livre de la Grande, King Kong théorie, qui reparle du viol, j'ai repoussé tant que j'ai pu le moment de le lire, ça n'a pas été si difficile.
Non que ce soit vraiment douloureux mais je continue de préférer éviter d'y penser.
Marrant comme on l'a digéré différemment l'une de l'autre, ce viol commun.
Commun à tant de filles qui ne l'ont pas vécu comme nous et chacune à sa manière.
Nous deux, on n'a pas dramatisé, moi je l'aurais peut-être même oublié si elle ne me l'avait rappelé (serait-ce possible ?), je vis tellement dans ma bulle d'une manière générale.
J'ai toujours été adepte de la méthode Coué :
" Non, mon fils n'est pas vraiment handicapé, ne pas pouvoir courir et avoir des couches à sept ans ne l'empêche pas d'être heureux et ça ne me dérange pas de le changer toutes les trois heures ; non ça ne nous rend pas tristes de ne pas avoir de nouvelles de son père, notre vie n'est pas plus difficile, on est bien tous les deux, et le viol ne m'a pas affectée, non, je m'en souviens à peine... "
Et pendant vingt ans la Grande m'a offert des livres sur le viol, a écrit et filmé sur le viol, comme une plaie qu'elle gratte pour comprendre d'où vient le mal et que moi je laisse pourrir en faisant semblant de rien, moi qui vais bien, moi qui n'ai pas de problème, moi qui refuse à jamais de faire le lien entre ce que j'ai vécu à dix-sept ans et ce que j'ai subi sans broncher après.
Mais personne ne peut savoir ce qu'on aurait été sans ça, comme personne ne peut savoir si mon fils serait à ce point exceptionnel sans tout ce qui lui est arrivé.
Alors moi non plus je ne regrette rien, puisque cette histoire a sans doute contribué à ce que je suis aujourd'hui.
Je veux bien laisser croire à tous ceux qui m'ont effrayée, insultée, rabaissée, qu'ils m'ont soumise, mais je sais que je suis à ce jour plus solide qu'ils ne le seront jamais, ils ne m'ont pas diminuée, même pas fragilisée, au contraire, je me porte à merveille, je tiens debout. Je veux bien baisser les yeux quand je les croise, au fond, je sais qu'ils ne peuvent plus m'atteindre. Et non pas comme je l'ai entendu dans la bouche de victimes
de viol parce qu'" on ne peut pas tuer quelqu'un deux fois", non, tant qu'on respire, on est vivant et il peut toujours nous arriver des bricoles, mais parce que mon identité ne réside pas là où on peut m'atteindre.
Aujourd'hui je m'assume toute seule, je ne dois mon salut qu'à moi-même.
Je rajoute une couche de plomb autour de mon cœur chaque année et carpe diem, je profite de la vie sans me priver, en gâtant mon fils qui semble épanoui et toujours content. Sans rendre de comptes à personne, je suis mon petit bonhomme de chemin, et si je dois faire un détour pour éviter le grand méchant loup je veux bien le faire puisque comme le racisme, la jalousie et l'envie, la domination mâle et grégaire a de beaux jours devant elle, mais au fond je m'en fous.
Si les conventions veulent que j'aie l'air d'une victime, je veux bien jouer le jeu, car au fond je suis la grande gagnante, je suis vivante et je suis forte.
" Vaut mieux être un has been qu'un never will be. " (Rico Maldoror)
J'ai un problème avec le mensonge,ou avec la vérité plutôt.
Pourtant, j'ai été bien élevée, dans un confortable foyer de Français moyens cultivés et socialistes, mais mes parents ont semble-t-il failli dans leur enseignement du Bien et du Mal. Malgré les quelques cours de catéchisme inculqués par la voisine, la frontière a toujours été floue.
J'avais plus jeune un problème avec le vol, que je mettais sur le compte d'un refus de la notion de propriété par penchant anarchiste, mais ça s'est résolu par couardise. J'ai estimé, vu les ennuis que ça me rapportait, que le jeu n'en valait pas la chandelle. Tandis que comme menteuse, sans avoir entrepris de carrière d'escroque internationale, on peut dire que j'excelle. Je vis dans un monde imaginaire.
Je m'accroche à mes mensonges avec une telle pugnacité que ça virerait à la schizophrénie si je n'y prenais garde. Ah ça, vous pouvez me confier un secret, je serai une tombe, vous pouvez vous faire serrer avec moi, pas de danger que je lâche le morceau en garde à vue, c'est mon travers, mon don, mon grand kiff.
Parfois c'est pour ne pas blesser les gens que je mens, parce que je suis assez gentille et que j'abhorre le conflit. J'ai dû prendre cette habitude avec le père de mon fils, qui pouvait changer d'humeur si brusquement et si radicalement que je réinventais la fin d'une histoire à peine une lueur apparue dans ses yeux.
En général je rate le résultat visé car les gens détestent se rendre compte qu'on leur a menti, et d'une intention bienveillante je glisse vers la rupture. On m'accuse de trahison alors que j'ai voulu être " précautionneuse ", on accorde beaucoup trop d'importance à mon goût à la notion de vérité.
Par exemple on m'invite à une soirée à laquelle je n'ai pas envie d'aller, je ne sais pas dire " non, je n'ai pas envie ", spontanément je m'invente une excuse en béton pour ne pas pouvoir y assister, j'en fais des caisses genre : " Je me vide de partout, je ne peuxpas m'éloigner des toilettes, d'ailleurs je suis en pyjama, démaquillée et les cheveux gras ", mensonges dont l'interlocuteur, perfide, se souvient quand il me croise ailleurs le même soir, à un endroit où là, j'avais envie d'aller.
Je sais masquer comme personne quand je reçois en cadeau un chandelier immonde ou un livre que j'ai déjà. Je sais tellement bien avoir l'air comblé qu'après il est difficile de rattraper le coup (quand on me dit : " On pouvait le changer, mais je vois que je suis bien tombé ", c'est trop tard, je ne peux pas dire que j'ai fait semblant d'aimer par politesse), je m'enfonce dans le mensonge, je suis obligée d'inventer la raison pour laquelle je ne porte pas la robe que je semblais adorer, ou ce qui est arrivé au vase qui m'avait fait bondir de joie (plus c'est pourri, plus je bondis, oubliant que le mieux est l'ennemi du bien).
D'autres fois je mens pour me sortir de situations compliquées, parce que j'ai du mal à les éviter, mais j'y travaille. J'aimerais ne plus jamais avoir à raconter des conneries au concierge à propos du dysfonctionnement de la porte du parking, quand c'est moi qui ai expliqué à un garçon qui me semblait sympathique comment la forcer pour se garer sans payer.
Parfois c'est parce que je suis obligée, quand j'ai fait quelque chose d'inavouable, et j'ai alors du mal à me souvenir des faits authentiques. À ma complice de graffitis, je maintenais au sortir de ma garde à vue la version que j'avais assénée à la police : " On n'a rien fait, on n'était pas là. " Je l'ai sentie inquiète au sujet de ma santé mentale. Même à celui qui a trompé sa femme avec moi, je pourrais affirmer de manière éhontée que je n'ai jamais couché avec un homme marié.
Heureusement, mes vrais amis me connaissent et m'arrêtent quand je glisse vers la schizophrénie, ils savent ne pas m'acculer au mensonge ou ne pas m'écouter quand je lâche la rampe.
Caractéristiques techniques
PAPIER | |
Éditeur(s) | Robert Laffont |
Auteur(s) | Cara Zina |
Parution | 10/04/2008 |
Nb. de pages | 234 |
Format | 13.5 x 21.6 |
Couverture | Broché |
Poids | 291g |
EAN13 | 9782221110041 |
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