Résumé
Shaaban Robert (1909-1962) est considéré comme le père de la littérature swahili moderne et ses ouvrages, qui couvrent de nombreux genres, ont forgé des générations de lecteurs et lectrices en Tanzanie. Ses textes sont devenus des « classiques » : ainsi, Wasifu wa Siti binti Saad, consacré à la célèbre chanteuse de taarab Siti binti Saad, l'autobiographie Maisha Yangu na Baada ya Miaka Hamsini, traduite en français par François Devenne [Autobiographie d'un écrivain swahili] ou encore Adili na Nduguze [Adili et ses frères,] conte fantastique et moral, lu par nombre d'écoliers. Reconnaissance méritée pour un homme qui consacra en partie sa vie au développement d'une langue swahili standardisée et à la naissance du roman moderne. Dans Kusadikika, rédigé en 1951, alors qu'il est un écrivain reconnu, au faîte de sa carrière littéraire, Shaaban Robert interroge le pouvoir, ses dérives mais également ses réformes possibles. L'auteur y met en scène une contrée fictive dont la justice est remise en cause par un homme, qui, seul, ose s'opposer : Karama. Au travers de son personnage principal, Shaaban Robert convoque l'art du conteur pour nous fait voyager de contrée en contrée, relatant les aventures et le sort de six émissaires partis d'Est en Ouest, du Nord au Sud, dans les nuées et sur la terre, pour témoigner d'autres manières de gouverner. Sous ses allures de fable allégorique, presque naïve, Kusadikika est un texte dont les questionnements n'ont rien perdu de leur actualité : quels sont les fondements du droit, qui celui-ci sert-il ? Qu'est-ce qu'une conduite juste, pour une société et pour les individus qui la composent et la dirigent ? Lorsque les lois se font à l'encontre des citoyens, la désobéissance est-elle affront ou libération ? « Un écrivain comme Shaaban n'est pas à moitié classique à moitié moderne, il est ouvert à la modernité à la mesure même de son inscription dans la dynamique de la poésie swahili orientée, depuis des siècles, vers le nouveau. » Xavier Garnier, Le roman swahili.