Le slynx

Son cœur cognait à grands coups. C'était le slynx... Si fait! Voilà l'explication. La PHELOSOPHY n'y était pour rien. Les gens avaient raison de dire : tu sens le regard du slynx dans ton dos!C'est le slynx, là-bas, dans les bois du Nord, dedans cette forêt infranchissable, qui pleure, se tourne en tous sens, flaire, trépigne, couche les oreilles, repère sa proie... Ça y est, il l'a choisie! D'un bond souple, tel un épouvantable, invisible Gros-Minet, il saute de l'arbre, et le voici qui chemine, rampe sous le bois chablis, sous les amas de branches et de ronces, traverse en longues foulées les massifs d'arbres séchés sur pied, couverts de mousse grise, malmenés par les tempêtes de neige! ... Il rampe et bondit tour à tour, souple et leste; la petite tête aplatie demeure le nez au vent: ne surtout pas perdre la piste... Là-bas, au loin, un Benedikt tremblant mais tout plein de sang chaud.Plus près, encore plus près de la demeure!... Là où le vent soulève la neige au sol, saupoudre les ravins, là où la tempête blanche dresse ses piliers, où les trombes neigeuses déferlent dans les champs, là est le slynx:il vole avec les bourrasques, serpente au cœur de la tempête! Il ne laissera nulle trace de pattes de neige, n'alarmera nul chien, n'inquiétera point les animaux domestiques!...Plus près, toujours plus près... et voici que grimace sa face invisible, que ses griffes frémissent, il a faim, très faim! Il n'en peut plus. Kyyyss! Kyyyss!Et voici qu'il s'approche en tapinois de l'isba, voici qu'il a baissé ses paupières pour mieux ouïr, voici qu'il va sauter sur le toit délabré, bondir sur la cheminée refroidie; voici qu'il a bandé ses jarrets...On frappe à l'huis : toc-toc-toc. Benedikt se dressa non moins brusquement que s'il avait reçu un coup de trique, et il hurla d'une voix frénétique :– Non!!!!!!!!!!!!!!!!!!– Ah, vous êtes occupé, mon mignon? En ce cas, je repasserai plus tard, parvint de derrière le battant une voix familière.Nikita Ivanytch, c'est Dieu qui l'a envoyé!...