Les enfants de saint pétersbourg

– Vous aimez quand on tire?Marina regarda par-dessus son épaule. Un jeune homme sympathique, couvert de taches de rousseur, se penchait sur sa nuque. Il ressemblait à un étudiant en EPS. Il détourna timidement ses yeux et regarda l'écran.– Et alors? lui demanda Marina. Vous n'aimez pas, vous?– Si, bien sûr, fit-il avec un haussement d'épaules tout en piquant un fard. J'aime aussi.Tout en prononçant ces mots, il sortit la main droite de l'intérieur de sa veste. Il tenait un pistolet. Trois hommes se tenaient près de lui: deux en blouson de cuir et un autre, chauve, avec un long pardessus en cachemire. Le jeune homme appuya rapidement le canon sur le crâne poli du chauve et pressa la détente. Une détonation étonnamment sourde retentit, suivie par un silence total. Un long jet de sang jaillit comme au ralenti de la tête transpercée, en se déployant comme un serpentin de fête. Par saccades transversales, l'hémoglobine gicla sur les murs, zébrant les physionomies des stars de Hollywood. Le chauve pivota lentement à mesure que ses genoux fléchissaient. Il donna harmonieusement de la bande et s'effondra à la renverse. Les talons de ses chaussures noires brillantes claquèrent bruyamment sur le dallage. Le jeune homme baissa son pistolet, le pointa sur son visage et pressa la détente une nouvelle fois. – Le plus important, c'est de ne pas viser, expliqua-t-il à Marina. Si tu vises, tu rates ta cible.– Pigé, émit Marina machinalement.Le tueur leva encore son arme. Il semblait être le seul à bouger dans le local. Les deux types en veste de cuir avaient les yeux écarquillés. L'un portait son bras vers son aisselle tandis que l'autre tentait de se protéger en dressant devant lui une main, ses gros doigts écartés. Le jeune homme lui tira une balle en plein front.Marina ferma les yeux.Dans l'obscurité, des fantômes multicolores dansèrent sur l'écran de ses paupières. La musique techno hurlait dans son oreille. Elle entendit trois autres détonations.Elle ouvrit les yeux.Le jeune homme propret, son pistolet à la main, se tenait devant elle. Deus nouveaux corps difformes gisaient derrière lui.Des anciens flics, fit-il avec mépris. Des nuls.Il jeta un regard circulaire dans le local. À part eux, il ne restait personne.– Vous voulez me tuer moi aussi? demanda Marina à mi-voix, avec une extrême politesse.