Les fri-maçons - les soupers de daphné

La franc-maçonnerie spéculative, créée en Angleterre en 1717, s'implante en France dans le premier tiers du XVIIIe siècle. D'emblée, le phénomène maçonnique suscite une vague de très grande curiosité dans le public, dans la société mondaine surtout. Cette soif de connaître une réalité philosophique et sociale nouvelle touche bientôt les milieux littéraires. En 1740, paraissent deux ouvrages de révélation maçonnique: Les Fri-Maçons de Pierre Clément et Les Soupers de Daphné d'Anne-Gabriel Meusnier de Querlon. Très différents par leur conception - le premier est l'œuvre dramatique d'un auteur franc-maçon ami de Montesquieu, le second, un conte libertin dû au talent grivois d'un écrivain profane -, ces deux écrits témoignent avec justesse des questions légitimes que les Français de l'époque se posaient au sujet des loges et de leurs affiliés. Ils rendent en particulier compte de l'engouement provoqué par l'apparition d'une "société à secrets", cherchent plus ou moins sérieusement à en éventer les mystères, insistent sur l'exclusion dont les femmes du temps s'estiment les victimes et traduisent avec justesse les préoccupations familières des francs-maçons de la génération d'avant 1750, plus philadelphiques et philanthropiques que philosophiques et politiques. Loin de poursuivre quelque visée antimaçonnique, ils contribuent à dessiner une image assez fidèle de la réalité vécue en loge et se montrent plus critiques à l'égard de l'indiscrétion des curieux qu'à l'endroit des visées morales et sociales des initiés. Tirés à un petit nombre d'exemplaires, Les Fri-Maçons et Les Soupers de Daphné méritaient une édition critique. Les deux textes sont établis selon les principes de la science philologique et enrichis d'une introduction qui rappelle les liens que de nombreuses personnalités du règne de Louis XV ont entretenus avec la franc-maçonnerie.