Les souliers du dimanche

"Yves Darriet n'est pas Dickens, Mont-de-Marsan n'est pas Londres et Les Souliers du dimanche, ça n'est pas non plus David Copperfield. Il existe pourtant entre ces deux ouvrages une parenté de charmes qui tiennent, peut-être à ce qu'on rêve beaucoup à la mère Angleterre dans les Landes du rugby, mais plus encore à une fidélité pudique aux émotions de l'enfance. Le livre de Darriet est, lui aussi, à écouter du dedans. Le rugby ici n'est pas le propos mais le climat où baigne la chronique d'une petite ville et son âme unanime. Il aimante l'existence d'un jeune garçon et oriente sa trajectoire à travers un univers familier où les parents et les enfants partagent pour une fois la même passion, où chacun aspire à se refléter dans meilleur que soi : le supporter dans le champion, l'élève dans le maître. Ainsi Gégé Grué, le petit héros, à la fois sensible et dur, s'est-il donné pour modèle son propre instituteur qu'il aperçoit le plus souvent en culottes courtes. À ce drôle de jeu-là, il est possible qu'on ne vieillisse pas vite, mais le double sens de l'expression"contacts humains", qui prend avec le rugby une résonance singulière (et parfois redoutable) donne à ceux qui vivent dans sa fréquentation des sentiments magnifiquement aérés. Le courage, la générosité, la solidarité qui animent cette société d'écoliers, lorsqu'elle se transforme en équipe, en font une démocratie peuplée d'artistocrates. Alors, la victoire ou la défaite sont de peu de prix et l'un des grands mérites d'Yves Darriet est d'avoir illustré cette notion d'un rugby humaniste à mi-chemin du somptueux rugby de cathédrale que nous connaissons par la télévision et de l'affreux rugby de chapelle où s'exalte l'esprit de clocher. [...]" Antoine Blondin.