Tribus modernes

Un pape hanté par la vision d'insectes monstrueux qui dévorent notre monde. Des écrans de portables d'où disparaît tout à coup le cours de l'action que l'on était en train de suivre du regard. Le silence assourdissant qui précède les shooting rampages d'un tireur en série dans le campus d'une université. La force inquiétante de ce silence minéral qui enveloppe les bureaux paysages des multinationales, puis se double de la présence encore invisible d'un avion de ligne volant à basse altitude derrière les parois de verre... C'est la toute-puissance américaine, fleuron de la modernité occidentale, dont Ichtaca, vieux mendiant indien au visage cuit par le soleil, prédit la fin prochaine au pied de la Silicon Valley. Est-il le descendant des anciens chamans ohlones décimés ou un simple businessman devenu fou après avoir été ruiné ? Un accidenté en tout cas... De la boîte noire de sa mémoire, sortent peu à peu les images saisissantes d'une histoire fantôme : comment «ils» sont venus, les «ouestiens» chasseurs d'or et de lumière. Comment ils se mirent à creuser après avoir pillé la terre, le ciel et les océans. De la foule noire des migrants qui affluent par vagues, émerge soudain un visage plus net. Le plan se resserre. L'homme est encore un strict inconnu mais il a déjà une idée de génie dans la tète, une idée de fin du monde : les étranges «boîtes à lueurs» d'Hollywood, les bourdonnements qui montent des conversations à distance, le sable et l'éther dont sont faits les personal computers... On dirait que la modernité est un mythe, mais un mythe sans dieux ni éternité. Et la prophétie d'Ichtaca ne fait que commencer... déjà ressentie à l'autre bout du monde. Une allégorie saisissante sur la bombe à retardement de l'ultra-modernité occidentale. Jérôme Baccelli, informaticien, résidant à San Francisco, signe ici son premier roman.