Café nostalgia

Ils sont nombreux, les amis d’enfance exilés de "Cette-Ile-là", qui tissent entre les quatre points cardinaux la toile diaphane du souvenir. Au cœur de cette planisphère amoureuse, Marcela est à Paris la gardienne du temple de la mémoire, le point d’ancrage d’une bande dispersée dont chacun des membres cherche sa place dans le monde et recompose à l’infini les parcours de sa vie.

Tour à tour photographe puis maquilleuse pour la télévision, la jeune femme semble vouée au succès le plus insolent mais il en va de la carrière comme de l’intimité, dans tous les territoires accostés, elle brûle ses vaisseaux. Portées de manière névrotique à leur paroxysme, les sensations se mesurent toutes à l’aune d’un amour d’adolescence pour un homme d’âge mûr auquel son épouse fit payer ses infidélités.

Dans l’attente de l’accomplissement qui brisera ses entraves (et qui peut-être répond au prénom biblique de Samuel), elle attise avec ses amis la plaie profonde du souvenir et l’espoir d’un retour pour l’instant impossible.

A l’image de La Dame à la licorne du musée de Cluny, les cinq sens sont ici convoqués chapitre après chapitre pour une savoureuse apologie de la mémoire, qui imprègne d’un puissant substrat caraïbe ce roman de l’exil et de la nostalgie.

Mais sous l’apparent maelström de l’écriture libre et torrentielle qu’on lui connaît depuis La Douleur du dollar, Zoé Valdés nous frappe par une orchestration sans faille de la trame narrative et une maîtrise certaine des sentiments contenus, dans une sensibilité à fleur de peau.