Dossier : le corps entre plaisir et peur

Les opposants au mariage homosexuel ont assigné les hommes et les femmes à des places uniquement déterminées par la biologie révélant ainsi leur nostalgie d'un ordre patriarcal. Ils ont instrumentalisé la Bible afin de trouver une réponse immédiate à leur angoisse de voir les corps échapper à l'emprise des autorités religieuses. Les partisans de cette nouvelle croisade prétendent dire la vérité sur le corps alors que l'émancipation leur fait peur. Hors de ces fantasmes régressifs, comment dire aujourd'hui notre corps ?
Dans le dossier de son supplément mensuel de mai, Témoignage Chrétien examine ce qui a changé dans le rapport que chacun entretient avec son corps : la maitrise de leur fécondité par les femmes, le droit de dénoncer les viols qu'elles subissaient hier dans le silence, la possibilité inédite d'être en bonne santé même dans le grand âge, le désir d'être bien dans son corps, l'aspiration au bien être au travail. Ce dossier décrit aussi les nouveaux asservissements du corps : la tyrannie de la minceur normalisée, le stress de la pression mentale, le culte de la performance et du zéro défaut physique, le déni de la fragilité...
La nouvelle maîtrise de son corps auquel aspire l'individu est un signe d'émancipation de la tutelle d'institutions religieuses, civiles ou patronales qui tenaient les personnes sous leur emprise. Mais s'il nous appartient d'être libre de choisir ce que nous désirons faire de notre corps, que dire des questions nouvelles qui lui sont posées :
-Peut-on vendre son corps comme on loue sa force de travail ?
-Jusqu'où peut-on réparer l'être humain ?
-Quid de la volonté de mettre fin à sa vie et du devoir d'assistance à personne en danger ?

Notre corps nous appartient mais nous n'existons pas sans appartenir à un corps social. Dès lors que devient notre corps entre recherche du plaisir et traversée d'une souffrance que nous pouvons atténuer sans l'éliminer ? Comment lire dans ces conditions l'expérience corporelle de Jésus : l'homme qui aimait boire et manger avec les gloutons, sur qui une femme a répandu un parfum de grand prix et qui achève sa vie dans l'angoisse à Gethsémani et dans l'atroce de la crucifixion ?
Si nous sommes notre corps et qu'il disparaît dans la mort que signifie alors la foi dans la résurrection de la chair au regard des sagesses bouddhistes ou hindoues ?
Avec les contributions de Françoise Héritier, Olivier Bobineau, Christine Pedotti, Dennis Gira, etc.