Résumé
De même que le pressoir de vigne transforme la grappe en vin, de même le bois de la Croix a broyé le corps du Christ pour en faire jaillir son sang, vin de la Nouvelle Alliance et breuvage d'éternité. Née de la rencontre entre la figuration de la Fontaine de vie et certains versets d'Isaïe annonçant l'Homme de douleurs, l'image du Pressoir mystique fait voir le Christ pressé tel une grappe. Apparue au XIIe siècle, cette image connut une faveur exceptionnelle à la fin du Moyen Âge, dans l'ensemble du continent européen, et plus tard au-delà : miniatures, fresques, tableaux, gravures, vitraux, sculptures, céramiques, on la découvre présente dans toutes les formes d'art, même en littérature. D'abord image de dévotion, expression privilégiée de la vénération pour le Christ souffrant et le Saint Sang, sa carrière évolue aux XVIe et XVIIe siècles : aux temps des guerres de religion, l'usage catholique en fait une arme théologique contre les protestants et la charge d'afficher la doctrine de la transsubstantiation. Quelque peu délaissée au XVIIIe siècle, elle survivra cependant à travers l'imagerie d'Épinal, pour renaître au XXe siècle, en d'imprévisibles résurgences, notamment dans les pays ravagés par les guerres. À l'occasion de la restauration d'un Pressoir mystique du XVIe siècle conservé à l'église de Recloses (Seine-et-Marne), le colloque international dont voici les Actes a rassemblé, à l'initiative de Danièle Alexandre-Bidon, une vingtaine de spécialistes en histoire de l'art et en histoire de la spiritualité. L'ensemble de leurs contributions, unique en son genre, reconstitue le destin de cette image et montre comment, du Christ foulant, debout, en vainqueur de la mort, au Christ écrasé sous la barre du pressoir, ployé, titubant, à genoux puis couché de tout son long, les images témoignent des sensibilités particulières de chaque siècle à ce symbole de la rédemption.