
Résumé
" À couper le souffle. L'air sec et froid des hautes plaines du Colorado semble intensifier la lumière que Kent Haruf dépose sur les personnages de ce chef-d'œuvre. Un livre d'espoir aussi simple et aussi difficilement gagné que la délicate prose de Haruf. "O, the Oprah Magazine.
" Elle l'emmena dans sa chambre et alluma une petite lampe à côté du lit. Puis elle se planta devant lui, déboutonna sa chemise en lainage bleue et la lui retira. Il était maigre et nerveux, avec une forêt de poils blancs sur la poitrine.
- Et maintenant, vous voulez bien me déboutonner? dit-elle. Elle se retourna.
- J'y connais rien du tout.
- Mais si. Je suis sûre que vous savez défaire des boutons.
- Bon, fit-il. Après tout, je suppose que ça revient à peu près au même que compter les pas quand on valse.
- Elle rit. Vous voyez. Ce n'est pas si mal. Vous avez plaisanté. "
Sommaire
C'était un garçon petit, d'un poids insuffisant pour son âge, avec des bras maigres, des jambes maigres et des cheveux châtains qui lui pendaient sur le front. Il était actif et raisonnable, et trop sérieux pour un garçon de onze ans. Avant sa naissance sa mère avait décidé de ne pas épouser l'homme qui était son père, et quand il avait cinq ans elle était morte dans un accident de voiture à Brush, Colorado, un samedi soir, après être sortie danser avec un rouquin dans une auberge sur la grand-route. Elle n'avait jamais dit qui était son père. Depuis la mort de sa mère il avait vécu seul avec le père de celle-ci dans les quartiers nord de Holt, dans une petite maison sombre avec des terrains vagues de chaque côté et, derrière, une ruelle de gravier bordée de mûriers. À l'école il fréquentait le CM2 et il était bon élève, mais il ne parlait que quand on l'y obligeait ; en classe, il ne participait jamais spontanément, et chaque jour quand il sortait de l'école il rentrait à la maison tout seul, ou bien il flânait en ville, ou bien, de temps en temps, il faisait du jardinage pour la dame qui habitait plus haut dans sa rue.
Son grand-père, Walter Kephart, était un homme aux cheveux blancs de soixante-quinze ans. Chaque mois, quand son chèque de retraite arrivait il l'encaissait et passait une soirée à picoler à la Holt Tavern, au coin de la Troisième et de Main, où il retrouvait d'autres vieux de la ville et racontait des histoires qui n'étaient pas tant exagérées que légèrement enjolivées.
Le garçon s'appelait DJ Kephart. Il prenait soin du vieil homme, le raccompagnant dans la nuit par les rues sombres quand il avait fini de discuter à la taverne. À la maison, il faisait la plus grande partie de la cuisine et du ménage, et une fois par semaine il s'occupait de leur lessive à la laverie automatique d'Ash Street.
Un jour de septembre il était rentré de l'école l'après-midi et le vieil homme lui avait dit que la voisine était passée, demandant après lui.
Tu ferais mieux d'aller voir ce qu'elle veut.
Elle est venue quand ?
Ce matin.
Le garçon se servit une tasse de café froid à la cafetière sur le fourneau, l'avala, puis se rendit chez la voisine. Dehors il faisait encore très chaud, bien que le soleil ait commencé à descendre à l'ouest, et que les premiers indices de l'automne soient déjà dans l'air – cette odeur de poussière et de feuilles desséchées, cette sensation annuelle de solitude que provoque la fin de l'été.
Mary Wells était une femme d'à peine plus de trente ans avec deux petites filles. Son mari travaillait en Alaska et ne rentrait pas très souvent à la maison. Mince et pleine de santé, jolie avec des cheveux châtain clair et des yeux bleus, elle aurait pu faire tout son jardinage elle-même mais elle aimait bien aider le garçon de cette modeste manière, et elle lui donnait toujours quelque chose lorsqu'il travaillait pour elle.
Il frappa à la porte et attendit. Il songea qu'il ne devait pas frapper une deuxième fois, que ce serait impoli et irrespectueux. Au bout d'un petit moment elle vint ouvrir en s'essuyant les mains à un torchon. Derrière elle il y avait les deux fillettes.
Grand-père a dit que vous étiez passée ce matin.
Oui, dit-elle. Tu veux entrer ?
Non, je suppose que je ferais mieux de m'y mettre.
Tu ne veux pas entrer d'abord manger quelques cookies ? On vient de les faire. Ils sont tout frais.
J'ai bu du café avant de partir.
Peut-être plus tard, alors, dit Mary Wells. Enfin voilà, je me demandais si tu avais un peu de temps pour travailler dans le jardin de derrière. Si tu n'as pas d'autre obligation pour l'instant.
Je n'ai pas d'autre obligation pour l'instant.
Alors je peux profiter de toi. Elle lui sourit. Laisse-moi te montrer ce que j'ai en tête.
Elle descendit les marches, suivie des deux fillettes, et ils contournèrent la maison jusqu'à un jardin brûlé par le soleil en bordure de la ruelle. Elle lui indiqua les mauvaises herbes qui avaient surgi depuis son dernier passage, et les rangées de haricots et de concombres qu'elle voulait qu'il ramasse.
Ça ne te gêne pas de faire ça ? demanda-t-elle.
Non, m'dame.
Surtout ne va pas attraper un coup de chaleur. N'hésite pas à venir te mettre à l'ombre quand tu en as besoin.
Il ne fait pas trop chaud pour moi, dit-il.
J'enverrai les filles t'apporter de l'eau.
Elles retournèrent dans la maison et il entreprit de désherber les rangées de légumes, s'agenouillant dans la terre et travaillant sans répit, transpirant et chassant les mouches et les moustiques. Il était accoutumé à travailler dans son coin et il avait l'habitude de l'inconfort. Il entassa les mauvaises herbes à côté de la ruelle puis se mit à ramasser les haricots verts et les concombres. Une heure plus tard les petites filles sortirent de la maison avec trois cookies sur une assiette et un verre d'eau glacée.
Maman a dit que tu devais prendre ça, déclara Dena, l'aînée des fillettes.
Il s'essuya les mains à son pantalon et prit le verre d'eau, dont il but la moitié, puis il mangea un des gros cookies, qu'il dévora en deux bouchées. Elles l'observaient attentivement, debout dans l'herbe en bordure du jardin.
Maman a dit que tu avais l'air d'avoir faim, dit Dena.
On vient juste de faire ces cookies cet après-midi, dit Emma.
On a aidé, tu veux dire. On les a pas faits nous-mêmes.
On a aidé maman à les faire.
Il but le reste de son eau et leur rendit le verre. Il y avait des empreintes de doigts et des traînées boueuses sur les parois.
Tu ne veux pas de ces autres cookies ?
Vous, mangez-les.
Maman les a envoyés pour toi.
Vous pouvez les manger. Moi ça va.
Tu ne les aimes pas ?
Si.
Alors pourquoi tu ne manges pas les autres ?
Il haussa les épaules et détourna les yeux.
Je vais en manger un, dit Emma.
T'as pas intérêt. Maman les a envoyés pour lui.
Il en veut pas.
N'importe. Ils sont à lui.
Vous pouvez les manger, répéta-t-il.
Non, dit Dena. Elle ôta les deux cookies de l'assiette et les posa dans l'herbe. Tu pourras les manger plus tard. Maman a dit qu'ils étaient à toi.
Les bestioles s'y attaqueront avant.
Alors tu ferais mieux de les manger.
Il la regarda puis il se remit à l'ouvrage, cueillant des haricots verts et les déposant dans une bassine blanche en émail.
Les deux fillettes le regardèrent travailler. De nouveau à genoux, il rampait, dos à elles, les semelles de ses chaussures tournées vers elles comme les visages étroits de quelque étrange créature, les cheveux sur sa nuque brunis par la sueur. Lorsqu'il atteignit le bout de la rangée les fillettes abandonnèrent les cookies dans l'herbe et regagnèrent la maison.
Caractéristiques techniques
PAPIER | |
Éditeur(s) | Robert Laffont |
Auteur(s) | Kent Haruf |
Collection | Pavillons |
Parution | 14/09/2006 |
Nb. de pages | 408 |
Format | 13.6 x 21.6 |
Couverture | Broché |
Poids | 405g |
EAN13 | 9782221103029 |
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