La mémoire - Le jardin de la pensée

Henri Bergson. La mémoire est une fonction «intelligente» : elle permet aux animaux, dont les hommes, de tirer parti des expériences passées pour résoudre les multiples problèmes posés par leur environnement. Elle confère ainsi aux êtres vivants des aptitudes très diverses allant du simple réflexe conditionné au souvenir d'événements personnels et de l'utilisation de règles à l'anticipation des événements. Cette diversité repose sur une trilogie générale d'acquisition, de stockage et d'utilisation des informations.

La question de savoir si la mémoire pouvait être considérée – et donc étudiée – comme une fonction unitaire, ou bien devait être décomposée en différents systèmes, fût âprement et longuement débattue.

Longtemps rejetée par les scientifiques, l'idée qu'il puisse exister plusieurs formes ou types de mémoire s'est aujourd'hui imposée, et il est remarquable de constater à quel point les théories actuelles sur la nature de ce fractionnement sont proches de celles qui furent défendues par certains philosophes comme Maine de Biran ou Henri Bergson au XIXe siècle.

C'est toutefois principalement au cours des deux dernières décennies que les données expérimentales en faveur de l'existence d'une mémoire à long terme polymorphe se sont accumulées. L'un des arguments décisifs fut, chez l'homme comme chez l'animal, la mise en évidence de dissociations montrant que des lésions cérébrales localisées altèrent profondément certaines aptitudes mnésiques alors que d'autres restent parfaitement intactes.

Il faut à la fois comprendre les conséquences de ces observations mais, peut-être aussi, limiter leur portée. Elles suggèrent d'abord que l'évolution a conduit à superposer des modules ou des systèmes cérébraux capables de traiter, d'enregistrer et d'utiliser des informations de plus en plus complexes et donc de faire face à des situations de plus en plus difficiles (voir Mémoire et évolution biologique par Georges Chapouthier). Certains voient dans ce phénomène évolutif une nécessité absolue découlant d'une incompatibilité fonctionnelle : elle expliquerait que l'évolution ait sélectionné des systèmes de mémoire multiples. Ainsi, la thèse développée par David Sherry et Daniel Schacter en 1987 est qu'un système de mémoire additionnel ne se serait développé que parce que les compétences du système préexistant étaient à l'opposé de celles du système requis pour faire face à de nouvelles contraintes. Mais il s'agit là d'une version «forte» de l'argumentation en faveur de la pluralité des systèmes de mémoire que l'on trouve déjà dans Matière et mémoire de Bergson (1896).

La mémoire explorée

• L'évolution de la mémoire animale
• La plasticité du cerveau
• La maladie d'Alzheimer
• La localisation de la mémoire
• La multiplication des neurones

• Une souris intelligente
• La mémoire subliminale
• La mémoire de l'enfant
• Mémoire et phobies
• Les faux souvenirs

Mémoire biologique

La mémoire évolue avec le système nerveux des animaux dont elle adopte les complexités. Si, dans le cerveau humain, aucune zone ne semble exclusivement dédiée à un type particulier de mémoire, des réseaux interconnectés de neurones construisent «la» mémoire aux capacités étonnantes.

• L'évolution de la mémoire, Jean Chapouthier
• Hippocampe et mémoire, B. Potier, J-M. Billard et P. Dutar
• Quand les neurones s'en mêlent, L. Rondi-Reig et J. Mariani
• La multiplication des neurones chez l'adulte, G. Kempermann et F. Gage
• La mémoire en photos
• Mémoriser en dormant? Elizabeth Hennevin-Dubois
• La localisation de la mémoire, Joaquín Fuster

La construction de la mémoire passe par l'intervention de molécules dont nous commençons à entrevoir les multiples rôles, notamment dans la modification à long terme des réseaux de neurones. Comprendre ces mécanismes permettra la prévention de maladies, comme le syndrome d'Alzheimer.

• Mémoires de mouche, R. Hitier, F. Petit et T. Préat
• Une souris intelligente, Joe Tsien
• Les mécanismes de la mémoire, Serge Laroche
• Plasticité et mémoire, Jean-Pierre Changeux
• La maladie d'Alzheimer, J.-J. Hauw, M.-A. Colle, S. Haik et C. Duyckaerts
• Toxicomanie, une autre mémoire, Bruno Giros et Cécile Spielewoy

L'étude de sujets amnésiques fait apparaître des mémoires non déclaratives, dont le statut inconscient contribue en grande partie au mystère de l'expérience humaine. Quand l'émotion intervient, la mémoire se renforce, mais sa fragilité devient patente.

• La mémoire non consciente, Larry Squire et Eric Kandel
• La mémoire subliminale, Luc Ferrand et Jean Segui
• La mémoire des habiletés, Larry Squire et Eric Kandel
• La mémoire du nourrisson, Olivier Pascalis
• La mémorisation intentionnelle chez l'enfant, Anne-Marie Melot
• La jungle de la mémoire, Olivier Houdé
• Peur et mémoire inconsciente, Joseph LeDoux
• Mémoire et phobies, Arne Öhman
• Les bases neurales de la mémoire de travail, L. Petit et L. Zago
• La mémoire autobiographique, P. Piolino, B. Desgranges, F. Eustache
• Les faux souvenirs, Elizabeth Loftus