Élargissement et politique européenne de voisinage / enlargement and european neighbourhood policy

Les derniers élargissements sont globalement considérés comme un succès, et bénéficient aux nouveaux comme aux anciens États-membres, ce qui est rassurant pour les éventuels prochains élargissements. Pour autant, l’Union a besoin de fonctionner efficacement et d’être légitimée par ses citoyens. Le paradoxe est manifeste : les élargissements seraient bénéfiques alors que l’Union resterait insaisissable, bureaucratique, éloignée des citoyens, voire rejetée. De plus, le renforcement de la cohésion sociale et de la responsabilité démocratique est également nécessaire pour augmenter l’efficacité communautaire: la problématique dépasse ainsi largement la légitimation citoyenne. Cet enjeu concerne évidemment la capacité d’intégration future de l’UE mais aussi la Politique de Voisinage car il s’agit bien de la mise en place, avec le concours des États frontaliers, d’une «zone » de voisinage au fonctionnement démocratique compatible et organisé dans le cadre d’Etats de droit et dans le respect des droits de l’homme. La liaison entre les élargissements et la politique de voisinage dépasse cependant ce seul aspect politique, de fait assez abstrait : la PEV évolue en fonction des élargissements qui modifient les frontières, délimitent le voisinage et, en conséquence, déterminent le contenu même de la PEV. La relance du processus de Barcelone (pour les frontières maritimes) comme la mise en place d’une coopération régionale dans la région de la Mer Noire (pour les frontières terrestres) illustrent cette détermination. Néanmoins, la PEV ne fonctionne pas seulement par rapport aux conséquences des élargissements, aux volontés politiques de l’UE ou à la pertinence et à l’efficacité des instruments proposés mais repose avant tout sur une logique de coopération et, donc, s’appuie sur l’histoire même des relations entre États de l’UE et États du voisinage, l’interlocuteur étant désormais l’UE elle-même. Globalement, les voisins de l’UE, tels que définis par la PEV, sont non seulement situés en « périphérie » de l’Union mais ont également au moins trois autres caractéristiques: ils ont des progrès à faire en matière de droits de l’Homme, ils sont volontaires pour coopérer avec l’Union dans le cadre d’une «relation asymétrique» avec elle (ce qui explique le caractère particulier des relations UE-Russie) et ils n’ont pas, à moyen terme, vocation à adhérer à l’UE. La PEV est ambivalente : à la fois élargissement sans les institutions communautaires et instrument politique d’une Union européenne qui entend affirmer sa puissance. Les contributions proposées dans cet ouvrage déclinent explicitement la liaison entre élargissement et PEV et implicitement, souvent, cette ambivalence, dans le cadre d’une confrontation d’universitaires issus d’une dizaine de pays, membres « anciens » ou «nouveaux » de l’UE, « voisins» ou candidats à l’adhésion. Il s’agit d’articuler, parfois dans le détail, logiques d’élargissement et de voisinages avec une tonalité particulière largement déterminée par un centre de gravité originalement situé à l’Est de l’UE, sur une de ses frontières.