Annee sociologique 2025, vol. 75(1)

Toute société produit un ou quelques « modèles » qui structurent la chronologie des vies humaines dans ses continuités et discontinuités, à partir de références partagées, de représentations collectives et de normes dont découlent des « rôles d'âge » ainsi que des transitions associées à des « âges typiques ». Sous cet angle, le modèle occidental parait s'être progressivement centré sur le rapport au travail et articulé en trois grandes phases : la formation ; la vie professionnelle ; le temps de la retraite. Le passage à « l'âge adulte » y est objectivement et symboliquement marqué par la quasi-simultanéité de l'accès au premier emploi, de l'émancipation du foyer parental sur les plans économique et du logement, et de la constitution d'un nouveau ménage. Toutefois, la prégnance de ce modèle s'est effritée devant le chômage de masse, l'allongement de la formation initiale, l'injonction à la retraite active, et plus largement la multiplication et la diversification des formes d'emploi « atypiques » ou « nouvelles » qui conduisent à une progressive « dé-standardisation » et à une « individualisation » des déroulements biographiques, avec des phases de transition et de bifurcation. L'Année sociologique entend participer à l'actualisation et au renouvellement des réflexions sur le déroulement des biographies professionnelles, mises à l'épreuve par les transformations du travail dans les sociétés occidentales depuis les années 1970. Ce numéro vise à documenter plus largement un certain état de la société et les structures et recompositions des temporalités professionnelles, tout en soulevant les enjeux méthodologiques et théoriques qui se posent ainsi à nouveaux frais, qu'il s'agisse du choix des notions ou grilles de lecture mobilisées pour rendre compte de ces transformations et/ou de la manière de recueillir, traiter et analyses les matériaux biographiques.