Bap n25 - processions dialectique structures

Processions, dialectique, structures fait suite, dans l'œuvre de Marcel FRANÇOIS, à un important ouvrage : Pour connaître Dieu, approches phénoménologiques. Ce nouveau volume n'est pas seulement important, mais hors pair. Peu nombreux, en effet, sont ceux qui entreprennent aujourd'hui de réhabiliter la théologie naturelle. Moins nombreux encore sont ceux qui sont assez armés pour l'épreuve du feu dont parle l'auteur dans son Avant-Propos. La reconstruction totale du traité scolastique de Deo ne demande pas moins que la puissance spéculative de ressaisir l'unité thématique profonde qui relie la tradition néo-platonicienne des Processions à la dialectique hégelienne dans une grande philosophie de l'ordre. Intégrée à cette vaste fresque, la philosophie kantienne de la finalité retrouve son rôle d'introduction au problème global de l'organisation et des organisateurs, tandis que le système de Spinoza est hardiment réinterprété comme un moment essentiel du processionisme. On peut se demander s'il existe aujourd'hui beaucoup de philosophes capables de conduire avec la même maîtrise un commentaire des plus grands textes philosophiques se déployant de Plotin à Hegel. Mais ce n'est pas tout. Pour soustraire la philosophie de l'ordre, qui circule à travers ces grands textes, au contrôle du jugement réfléchissant et au règne du sujet transcendantal, - donc pour vérifier la réalité de l'ordre et son antériorité à toute recognition -, il fallait pouvoir discerner les linéaments de cette philosophie de l'ordre dans l'économie des structures, au sens exactement scientifique que ce terme prend pour les mathématiciens en topologie, pour les physiciens en cristallographie, pour les biologistes en embryologie. C'est ainsi que la science moderne des structures se joint à la métaphysique des processions dans une philosophie de la nature entièrement rénovée. Cette inspection des structures ne se borne pas à donner à la métaphysique l'appui des sciences; elle marque l'insertion graduelle de l'incertitude, de la probabilité et finalement de la subjectivité dans l'échelle des organisation et des organisateurs. C'est cette synthèse supérieure de la philosophie et de la science qui, plus encore que la familiarité de l'auteur avec des époques aussi variées de la pensée, remplit le lecteur d'admiration autant que de respect.

Paul RICŒUR