Résumé
De Raymond Aron à Jürgen Habermas en passant par Cornelius Castoriadis et Charles Taylor, la pensée et l'interprétation de Weber ont constitué une voie privilégiée pour saisir le sens de la modernité à travers toutes ses dimensions, dans ses tensions, ses apories et ses périls. Aujourd'hui encore, les philosophes, sociologues ou économistes qui s'efforcent de comprendre les mutations du capitalisme, les transformations du politique, la trajectoire de la sécularisation - mais aussi qui réfléchissent aux enjeux méthodologiques et normatifs de leurs disciplines - sont plus ou moins obligés de se confronter à ce monument encyclopédique et non systématique que constitue l'oeuvre de Weber. Depuis quelque temps, on assiste à un fort renouveau, y compris en France, de l'intérêt pour Max Weber, comme en témoignent de nouvelles traductions et des colloques. Ce dossier de Cités propose, dans une perspective plus philosophique, de dresser un bilan et d'ouvrir des horizons sur l'actualité de Weber. Cette « actualité » doit s'entendre à la fois comme celle des études wébériennes, en plein renouveau, qui affinent la compréhension de son oeuvre et de sa réception sous des angles inédits, mais aussi et surtout comme « actualisation » de sa pensée dans le contexte social, économique, politique, religieux et intellectuel contemporain, à l'âge du capitalisme globalisé et des défis écologiques. Il ne s'agit donc pas de choisir un angle exclusif d'un autre - la politique plutôt que l'économique, etc. -, mais de réfléchir à l'articulation des différents domaines explorés par Weber dans une perspective résolument multidisciplinaire et « actualisante ». Les différents contributrices et contributeurs de ce dossier ont été incités à réfléchir dans cette perspective, à partir de leur discipline propre, mais en intégrant la dimension philosophique propre à Cités. Dans l'ordre ici pressenti et provisoire d'exposition, on pourra lire, après une réflexion sur les enjeux méthodologiques et normatifs de la pensée wébérienne aujourd'hui (N. Heinich), deux approches qui renouvellent la compréhension de l'oeuvre de Weber sous l'angle du thème des « communautés » et de la relation à l'anarchisme ( E. Kauffmann et M. Löwy), une réflexion sur l'appropriation française de Weber (G. Châton), trois contributions qui traiteront de l'actualité et de l'inactualité de l'analyse wébérienne du capitalisme sous un angle plus ou moins politique ( P. Mardellat, D. Martuccelli et M. Lallement) et une consacrée à la question de la légitimité à l'âge démocratique ( Y. Mény).