Combien coûtent nos vies ?

En France, un discours fataliste s'est impose depuis plus de vingt ans : nous n'aurions pas assez d'argent pour nous permettre un système de sante solidaire. Mais la legitimite des prix des medicaments, des diagnostics et des produits de sante - qui representent pourtant 20% des depenses de sante et 2,11 % du PIB (part en hausse depuis 20 ans) - n'est, elle, jamais remise en question. Cette explosion des prix accompagne une evolution politique et economique : les medica- ments, diagnostics, vaccins ont ete progressi- vement extraits des logiques de sante et de bien communs pour être inscrits dans celles de l'offre et de la demande, et des profits des actionnaires d'entreprises privees. Les entreprises du medicament, et les Etats qui les soutiennent, pretendent que le prix serait lie aux investissements en recherche et developpement, et que les milliards de profits degages viendraient recompenser les risques pris. Cette recompense est enorme : les dividendes des actionnaires de l'indus- trie pharmaceutique sont les plus elevees de tous les secteurs industriels. Mais s'agit-il reellement de recompenser un risque pris par le prive ? La recherche et le developpement de très nombreux medicaments doivent beaucoup à l'effort public. Nous payons donc les medicaments au moins deux fois : à travers le finan- cement de la recherche publique, à travers les aides diverses aux firmes pharmaceu- tiques, puis à travers les remboursements à l'Assurance maladie. Le risque et l'investis- sement sont ainsi portes par le public mais les profits sont privatises : voilà ce qui ruine notre système de sante solidaire et qui le conduit vers son effondrement. Par ailleurs, le système de recherche et developpement actuel organise autour d'un système des brevets profondement dysfonc- tionnel ne favorise pas la mise sur le marche des medicaments dont nous avons besoin en termes de sante publique mais incite des choix strategiques avant tout financiers. Pauline Londeix et Jerôme Martin, cofonda- teurs de l'Observatoire de la transparence dans les politiques du medicament, offrent ici leur expertise et tout leur tranchant militant pour mettre sur la table des propo- sitions garantissant l'accès aux medicaments essentiels tout autant que la perennite des systèmes de sante.